EXPOSITION COLLECTIVE « LE RETOUR  » AU MRAC OCCITANIE

Du 28 janvier 2023 au 7 janvier 2024

avec Abdelkader BENCHAMMAAndrea BÜTTNER, Robert CRUMBDADOLubaina HIMIDJudith HOPFLaëtitia BADAUT HAUSSMANNPierre JOSEPHNathalie DU PASQUIERAnne-Lise COSTEÉlisabeth BALLETBernard BAZILELinus BILL & Adrien HORNIJean-François BOCLÉBruno BOTELLANicolas DESHAYESStudio GGSVAnthea HAMILTONDavid HORVITZÖzgür KARCécile NOGUÈSJim SHAWAchraf TOULOUBNora TURATOCaroline TSCHUMIYuyan WANG

Commissariat : Juliette Pollet, conservatrice au Cnap et Clément Nouet

Sous le lit. Au placard. Dans le miroir. Ils reviennent.

À rebours des expositions thématiques ou de l’apparente neutralité des accrochages de collections muséales, « Le Retour » s’organise comme un délire paranoïaque, un cauchemar ou un trip : à partir d’une lacune centrale. On ne saura pas pour qui, pour quoi, ronflent les tambours hollywoodiens du titre. Cette histoire n’a cependant « rien de personnel ». Pour paraphraser Jim Shaw, un des artistes de l’exposition, nous espérons que ce que nous faisons à partir de nos rêves ne dépend pas de nous.

Les œuvres rassemblées sont, par certains aspects, familières. Beaucoup tirent leur matière du quotidien, de l’univers domestique et commercial. Elles se nourrissent de la surproduction contemporaine de clichés et de choses. Plusieurs s’ingénient à détourner, voire à saboter la façon dont les images circulent dans les tuyaux numériques. L’exposition s’ouvre ainsi sur un film de Yuyan WangOne thousand and one attempts to be an ocean (2020) monté à partir de centaines de séquences vidéo Youtube oddly satisfying / étrangement satisfaisantes – des scies qui se révèlent, à la longue, moins inoffensives qu’il n’y parait. Ce qui persiste, c’est leur étrangeté, inquiétante évidemment. On assiste, hypnotisé·e·s, à « l’évolution du surréalisme en tant que force révolutionnaire œuvrant à l’intérieur d’un truc publicitaire » – pour dévoyer à nouveau les propos de Jim Shaw.

À travers le ressac des images et la glu des objets, « Le Retour » laisse sourdre souvenirs, peurs et désirs, à peine sont-ils refoulés que les revoilà. Au rayon symptômes et transferts, on trouve toute la panoplie clinique : fétiche, doppelgänger, fixette libidinale, terreur de l’autre et surtout, beaucoup de mélancolie. Aucune des œuvres rassemblées ne témoigne pourtant de complaisance pour le tourment intérieur du sujet. L’ironie est un garde-fou. Sous des titres trop explicites pour être honnêtes, les œuvres Mood Disorder, de David Horvitz, ou Death, d’Ozgür Kar, se révèlent narquoises à souhait. Ainsi nous interpelle le squelette soliloquant mis en boite par le second : « Hey ! Hey, toi là ! Es-tu naïf ? N’est-ce pas une question effrayante ? ».

Sous les surfaces séduisantes – LED et glaçures – tout est en réalité corrompu, tendancieux, joyeusement dysfonctionnel : peinture et pixels se contaminent, le papier peint pare le white cube, les sculptures sont molles, voire flaccides. Les œuvres réunies pour « Le Retour » n’en finissent pas de taquiner les grands préceptes modernistes, la pureté du médium et tout le tralala. Au-delà d’art, c’est d’élan vital dont il s’agit. Les stratégies d’hybridation, le désir de transmutation semblent courir d’une pièce à l’autre : artiste-oiseau, homme-femme-ordinateur, bidet-fesse. Échapper à la forme figée, à la catégorie, apparait comme une stratégie de résistance face à une réalité aliénante. Ni régression, ni retraite : « Le Retour » tente un pas de côté.

Cette exposition de collections est le nouvel épisode d’une série en cours : la longue complicité qui lie le Cnap et le Mrac. Une nouvelle sélection d’œuvres issues du fonds national d’art contemporain, pour la plupart acquises tout récemment, viennent prendre leur quartier dans les salles du musée, en dialogue avec la collection régionale, pour une
année. Les vingt-neuf artistes ainsi réunis, de toutes générations, travaillent en Europe –pour la moitié en France – et aux États-Unis. Beaucoup d’oeuvres sont présentées pour la première fois en France et/ou dans un contexte muséal.

Les citations de Jim Shaw sont tirées de « une conversation entre Jim Shaw et Mike Kelley », in Noëllie Roussel et al, Jim Shaw, Everything must go, Luxembourg : Casino, Genève : Mamco, Santa Monica : Smart Art Press, 1999, p. 43 et p. 49.